• Un mot cherchait une feuille

    Exercice d'écriture créative de Pascal Perrat

    (www.entre2lettres.com)

    Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L'une était trop glacée, l'autre trop froissée.

    Continuez le récit...

    Voici mon texte :

    Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L'une était trop glacée, l'autre trop froissée. Certaines sentaient le moisi ; quelques-unes avaient un air parvenu, trop accrocheur pour être fiable. Le mot était au désespoir : pour sûr, les feuilles, les vraies, étaient passées de mode ! Désormais, le siècle naissant ne proposait qu’écrans en tous genres – ordinateurs, liseuses –, des ersatz de feuilles qui disparaissaient aussi vite qu’elles étaient nées.

     Le pauvre mot était las de courir de ville en ville. Pourtant, il était persuadé qu’il devait encore exister une bonne feuille comme celles qui paradaient autrefois. Le mot visita la Bibliothèque Nationale puis le Musée des Lettres ; en ces lieux, les feuilles abondaient, mais noircies, ne laissant aucun espace où laisser sa trace. Le mot quitta les villes, partit en campagne, dans des villages reculés dans lesquels les écoles étaient minuscules et loin de tout progrès… Point de feuilles adéquates !

    Après des milliers de jours et de lunes, notre mot, fourbu, atterrit en Bretagne, à la Pointe du Raz. Au-delà, s’étendait l’océan. Le mot eut l’idée de se jeter du haut de la falaise : les courants l’emporteraient vers d’autres horizons… Il avisa une cabane de pêcheurs délabrée, poussa la porte, découvrit une coque de bateau pourrie. L’odeur était épouvantable, mais au moins l’on était à l’abri du vent. Sur ce qu’il restait de la proue gisait un carnet jauni et racorni. Le mot l’ouvrit, le feuilleta. Au fil des pages, de jolis pleins et déliés à l’encre violette galopaient. Récit d’une vie dédiée à la mer, à ses mouettes et tempêtes. Au beau milieu du carnet, le récit s’achevait par une étrange demande : que celui qui me trouve, dépose son empreinte et continue mon histoire. Que sur les pages vierges viennent s’étendre des mots précieux…

     Notre mot examina la texture du papier : il était lisse, d’un jaune orangé qui faisait penser à un coucher de soleil. Il fleurait les embruns et le sel. Le mot apprécia, se sentit en villégiature. Il s’allongea et tira délicatement la couverture à lui. Il pouvait soupirer d’aise. Les hommes et leur progrès ne le détruiraient pas.


  • Commentaires

    1
    mapi
    Mercredi 2 Avril 2014 à 10:40
    mapi

    très poétique !

    2
    crépinette
    Mercredi 2 Avril 2014 à 10:41

    J'aime beaucoup !

    3
    betty
    Mercredi 2 Avril 2014 à 10:44

    C'est joliment conté. On arrive à la fin du récit qui nous laisse sur notre faim et l'envie de tourner la page pour en lire davantage.

    4
    Mercredi 2 Avril 2014 à 10:53

    Merci Betty pour ce joli commentaire

    5
    Mercredi 2 Avril 2014 à 10:54

    merci Crépinette !

    6
    Mercredi 2 Avril 2014 à 10:54

    Merci Mapi

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